L'anglomanie
L'indignation de voir les mots traverser la Manche d'ouest en est ne date pas d'hier.
Parmi les regrets en ce sens, Viennet signait ce texte en 1853, dans un recueil intitulé "lettre à Boileau".
On n'entend que des mots à déchirer le fer,
Le railway, le tunnel, le ballast, le tender,
Express, trucks, wagons ; une bouche française
Semble broyer du verre ou mâcher de la braise...
Certes, de nos voisins l'alliance m'enchante,
Mais leur langue, à vrai dire, est trop envahissante.
Faut-il pour cimenter un meilleur accord
Changer l'arène en turf et le plaisir en sport,
Demander à des clubs l'aimable causerie,
Flétrir du nom de grooms nos valets d'écurie,
Traiter nos cavaliers de gentlemen-riders ?...
Je maudis ces auteurs dont le vocabulaire
Nous encombre de mots dont nous n'avons que faire.
Avec le temps, il paraît évident que des termes sont tombés en désuétude (chemin de fer est préféré à railway ; trucks a disparu du vocabulaire ferroviaire), d'autres ont trouvé leur place (ballast, tunnel, wagons).
Est-ce un progrès de notre langue ou une capitulation ? A chacun d'en juger.